Classe S - Cours n°7 (Religion et politique)
Nous allons donc commencer le cours de philosophie sur la
religion et de la politique. Et cette fois-ci, nous ne le ferons pas cours sous
forme de dissertation, afin de nous libérer un peu du modèle de l’examen. On va
l'envisager comme un vrai cours de fond,
un peu comme ceux que vous pourriez avoir bientôt à l'Université ou en prépa
(en plus simple bien sûr), en nous demandant tout simplement d'où vient le
besoin de formes politiques et religieuses, et dans quel monde politique et
religieux, justement, nous vivons aujourd’hui.
Vous pourriez d’ailleurs vous demander tout de suite pourquoi
l’on va étudier ensemble la
politique et la religion. Ou bien pourquoi le besoin religieux ou disons le
besoin spirituel irait de pair avec le besoin politique.
Vous allez le voir, cela touche à une
question primordiale sur l’existence humaine, et même de psychologie humaine,
et l’on sera amené à passer en revue des réponses données aussi bien par des
psychologues, des archéologues, des chercheurs en science politique, des
croyants, des incroyants.
Pourquoi la démocratie est-elle un régime
absolument inédit ?
Des mathématiques à la politique il y a une plus d'une ressemblance ! |
Puisque ce cours vise aussi à
réfléchir sur notre époque, sur la situation que nous vivons aujourd’hui,
partons tout simplement de notre régime politique : la démocratie. Pourquoi la
démocratie nous paraît-elle – sans doute à juste titre – le régime le plus
juste ?
C’est parce que, pour le dire en termes mathématiques, elle
est un système clos de l’intérieur :
elle ne fait pas intervenir un élément étranger, un élément extérieur à son
système. Normalement, le peuple n’y rencontre que le peuple. Et lorsqu’il a des
élus, ils ne viennent – normalement bien sûr, nous parlons ici en théorie – que
du peuple.
Mais, puisque c’est aussi simple, pourquoi ce régime est-il
pourtant inédit ? Pourquoi a-t-il mis,
par exemple, autant de temps pour devenir une sorte d’évidence ? Car, disons-le déjà avant d’y revenir plus loin : la
démocratie, dans l’histoire humaine, est à peine une goutte d’eau dans l’océan
des régimes politiques. Elle est extrêmement minoritaire dans l’histoire.
Cela pour une première raison, donc : tous les autres systèmes politiques sont fondés de l’extérieur.
Quand je dis qu’ils sont « fondés », je veux dire que le pouvoir tient son autorité de l’extérieur.
En somme, les autres systèmes politiques étaient clôturés par
un élément qui ne venait pas d’eux. Il n’y avait pas que du peuple, il y avait
autre chose, qui s’ajoutait de l’extérieur.
Autorité interne (démocratie), autorité
externe (tous les autres régimes)
Louis XIV, grassouillement installé sur son autorité (externe) |
Quel est cet élément ? C’est Dieu, par exemple dans ce qu’on appelle une théocratie. Ou bien, si
ce n’est pas Dieu directement, ce sont les églises,
le pape, les religions en général : un empereur par exemple tient notamment son
autorité d’un culte païen, dans l’empire romain, ou d’un pape, dans un empire
chrétien.
Mais cet autre élément, cet élément
extérieur, cela peut être aussi le passé,
la tradition, la filiation. Par exemple, le pouvoir d’un roi vient d’un acte
fondateur, dans le passé, acte qu’il commémore – à travers le sacre – et qu’il
transmet d’une génération à une autre, dans sa famille. Le roi n’incarne pas
seulement son peuple au présent, mais aussi au passé. Il est sacré aussi bien
par le passé que par le présent. Et ce
pouvoir du passé sur le présent – on l’appelle tout simplement la tradition
ou le rite.
Bref, vous avez compris : dans la
démocratie, l’autorité est essentiellement interne
: le peuple la donne au peuple. Dans tous les autres régimes, tous, l’autorité
est essentiellement externe :
quelque chose l’impose au peuple (et plus ou moins avec son consentement, bien
sûr).
La mauvaise nouvelle de l’autorité : moins
elle est de vous, plus elle s’impose à vous
Ce qui est intéressant, c’est que le
mot d’autorité veut dire, étymologiquement : l’augmentation. L’autorité, ce n’est pas le pouvoir : c’est ce qui augmente le pouvoir, c’est ce qui donne
au pouvoir légitimité, prestige, assurance. Or, ce que vous devez vraiment
comprendre – et ce qui est, si vous voulez, la mauvaise nouvelle de l’autorité – c’est que l’autorité est toujours
un peu plus forte, un peu plus frappante, un peu plus prestigieuse, lorsqu’elle
ne vient pas de vous. Lorsqu’elle vient de l’extérieur, lorsqu’elle est
étrangère, elle a quelque chose de plus spectaculaire.
La quasi-totalité des régimes
politiques de l’humanité ne sont pas démocratiques. Ceux du passé ne l’étaient
quasiment pas, et aujourd’hui encore la démocratie est minoritaire dans le monde. Ou dit autrement : la quasi-totalité des
régimes politiques reposaient sur des systèmes qui n’étaient pas clos – vous
l’avez compris – de l’intérieur, mais de l’extérieur. Comme si le peuple ne suffisait pas. Comme si les individus, cela ne
suffisait pas. Il fallait autre chose – et plus cet « autre chose » était
haut ou lointain ou étranger, plus elle avait du prestige. Plus elle faisait
autorité.
Il fallait, en d’autres termes, que
celui qui donne la loi soit d’une
autre espèce, d’une autre nature, d’un autre rang, que celui qui reçoit la loi. Il fallait que ceux qui faisaient la loi soient supérieurs à
ceux qui obéissaient à la loi.
Pour faire société, il fallait autre chose
que la société
Peut-on rassembler des individus dans un groupe (une société), sans horizon commun très fort, ou sans surplomb très fort (une religion) ? |
Essayons de le dire encore
autrement, car vous avez besoin de bien saisir ce point pour en arriver tout à
l’heure à la question de la religion et de la spiritualité. Vous allez voir,
tout cela est lié, mais pour le comprendre il faut bien s’entendre sur ces
points de vocabulaire.
-
L’idée, donc, c’est que pour qu’il y ait un ensemble horizontal, il fallait un élément vertical. C’est-à-dire : pour qu’il y ait un ensemble horizontal –
à savoir une société, des individus – il fallait un élément vertical : une
hiérarchie, avec à son sommet un être ou un groupe d’êtres différents.
- Ou
encore, pour qu’il y ait de l’intra,
il faut de l’extra. C’est-à-dire :
pour qu’il y ait de l’intra – du lien entre nous – il faut de l’extra – un lien
à quelque chose d’extra-social. Par exemple à une religion : nous sommes
français (au Moyen-âge) parce que nous nous reconnaissons dans le
christianisme.
Ou bref, pour qu’il y ait de l’intérieur, il fallait de l’extérieur.
Or, le démocratie est précisément le régime qui dynamite tout
cela. D’où son caractère absolument inédit et stupéfiant.
La démocratie se passe (plus ou moins) d’un
tiers
Je vais le redire encore d’une autre manière. Vous allez voir, ce n’est pas compliqué, mais je vous demande un peu d’attention.
Il n’y a pas de société lorsqu’on est seul. Un individu, cela
ne fait pas un groupe. On commence à
faire groupe tout simplement lorsqu’on est deux – et plus que deux ensuite,
bien entendu. Une société, c’est donc d’abord deux.
Or, la démocratie est le seul régime
qui soit resté binaire (deux termes)
: tous les autres sont ternaires (trois
termes). Ou pour le dire autrement : tous les autres régimes ont besoin d’autre
chose. Je l’explique très simplement :
Dans une démocratie, entre vous et
moi, il n’y a pas grand-chose. Il y a des élus – mais ils sont temporaires, et
l’on peut en changer aux prochaines élections. Il y a des lois, mais on peut –
sur le papier, en tout cas – les remettre en cause, en voter d’autres. Et puis
ces lois sont votées par des députés, qui sont élus par le peuple. Il y a une
administration, un Etat – mais tout cela n’est composé que d’individus comme
vous et moi, normalement, même si l’on
se demandera plus tard dans le cours si l’Etat est dépendant ou indépendant de
la société. En somme, en démocratie, il n’y a pas de tiers absolu : pas de
troisième élément absolu, pas de tierce personne absolument au-dessus des lois.
Il n’y a que des « vous et des moi », ou
presque.
Dans les autres régimes, il y a un tiers. Pour que vous et moi existions
et fassions une communauté, c’est qu’il existe un tiers qui ne soit pas comme
nous : pas un « vous et moi », mais autre chose, un être divinisé, ou sacré, ou
qui a hérité du pouvoir.
De l’hétéronomie à l’autonomie, ou :
l’histoire des cinq derniers siècles
Je le redis encore une toute
dernière fois, dans des termes plus définitifs encore. Dans les autres régimes,
la fondation de la société est donc extérieure : elle vient d’un acte dans le
passé, ou d’un décret divin, etc. En démocratie, on passe en régime qu’on
appelle d’autofondation. C’est nous,
nous-mêmes, qui passons un contrat, entre nous. Une sorte de pacte social :
nous vivons ensemble, et c’est tout.
Vous vous rappelez peut-être des
deux termes que l’on avait déjà employé en cours : hétéronomie et autonomie. Hétéronomie : c’est lorsque la loi ou
la règle vient d’un autre que nous
(hétéro, c’est l’autre). Autonomie :
c’est lorsque la loi ou la règle vient de nous
(auto-nomie).
Eh bien voici résumé une bonne partie de l’histoire de la démocratie : nous
sommes passés de régimes hétéronomes, où la loi venait de l’Autre, ou d’autre
chose que nous – par exemple la loi divine – à des régimes autonomes, où la loi
vient de nous, du moins sur le papier.
Questions centrales du cours
A partir de ce que nous venons de
voir, nous pouvons donc poser les deux questions centrales de notre cours :
1)
Pourquoi l'hétéronomie est le régime
ou le système qui s'est imposé le plus spontanément, le plus généralement aux
hommes ? Au point, encore une fois, que la quasi-totalité des régimes politiques
dans l'histoire sont hétéronomes, et que la très grande majorité des systèmes
actuels le sont encore.
Autrement dit, pourquoi la démocratie apparaît-elle aberrante
pour la plus grande partie de l'histoire de l'humanité ? Pourquoi est-il si peu
d'auteurs, si peu de religions, si peu de traditions qui ont fait l'éloge de la
démocratie ? Est-ce que c'est par haine des individus ? Est-ce que c'est par
haine du peuple ?
En fait, c’est pour une raison beaucoup plus profonde, et plus
passionnante que cela, on le verra aujourd’hui.
2) Enfin,
deuxième question, pourquoi l'autonomie
- c'est-à-dire le monde démocratique - est à la fois un système juste et un
système fragile ? Pourquoi la démocratie relève peut-être d'une promesse
intenable, pourquoi la vie démocratique a quelque chose souvent de décevant, de
frustrant ? Et même, pour le dire carrément : pourquoi un risque pèse
constamment sur le monde démocratique, l'empêchant d'être aussi solide, d'être
aussi consistant qu'une monarchie ou un empire ?
Les gilets jaunes sont l'un des symptômes de la crise démocratique |
La démocratie et l’athéisme sont-ils
contraires à la nature humaine ?
On va donc tenter de répondre à la première question qui, vous
allez le voir, est peut-être la plus passionnante, et aussi la plus troublante
: « Pourquoi la démocratie est-elle rarement apparue désirable pour l’humanité ? »
Encore une fois, balayons les réponses un peu ordinaires : «
C’est la haine du peuple, etc. ». Il y a, en fait, une raison de fond, une
raison profonde, qui touche entièrement à la psychologie humaine.
Si la démocratie ne s’est jamais imposée – du moins jusqu’à
une époque récente – dans l’histoire humaine, c’est exactement pour la même raison que l’athéisme n’a jamais été
envisagé par l’histoire humaine, du moins jusqu’à une date récente (l’athéisme,
cela n’a même pas cinq siècles : il y a très peu de trace d’athéisme véritable
avant le seizième siècle).
En somme : l’humanité
naît religieuse, jamais athée. L’humanité, en son départ, est d’abord et
nécessairement religieuse. Et, de la même manière, l’humanité naît hiérarchique, monarchique, etc. : jamais démocratique.
Elle ne peut que commencer dans des formes politiques hétéronomes.
Donc : religion, hétéronomie, d’abord, et nécessairement.
La détresse originaire
Vous, 8 millions d'années avant l'invention du rasoir électrique |
Vous vous rappelez la distinction que je faisais tout à
l’heure entre le binaire et le ternaire : le binaire, c’est lorsqu’il n’y a que
vous et moi, que des relations humaines, que des interlocuteurs de même nature,
de même rang ; le ternaire, c’est lorsqu’en plus de vous et moi, il y a autre
chose, en surplomb, autre chose qui nous fonde, qui nous assure, qui nous
rassure.
Pour le dire simplement : lorsque
l’humanité apparaît, elle ne peut pas se contenter du binaire. Elle ne peut
pas se suffire de ce qu’il y a. Elle ressent une insuffisance et même une
détresse qui l’oblige à chercher autre chose. Elle a besoin d’autre chose pour
assurer, pour rassurer son existence.
Ou si vous voulez, pour les premiers
hommes, l’homme ne peut pas faire autorité. Il faut que quelque chose vienne
donner autorité à la vie humaine – et vous vous rappelez, autorité veut dire «
augmentation ». En somme, la vie des premiers hommes est trop fragile, trop
mince, trop faible. Il faut qu’elle soit augmentée. Augmentée par quoi ? Par du
pouvoir, par des croyances surtout.
Les hommes sont en retard sur le monde
Toutes les civilisations ont estimé qu'il y avait un sens du monde à découvrir - et à célébrer, à travers cultes, religions, etc. |
C’est un point très intéressant, sur
lequel beaucoup de chercheurs se sont penchés : quelle est la psychologie des
premiers hommes (ceux qu’on appelle : les hommes de la préhistoire) ? Dans quel
état psychologique les premiers hommes ouvrent pour la première fois les yeux
et découvrent le monde ? La réponse des chercheurs est passionnante : l’homme
se sent d’abord profondément en retard.
Pourquoi en retard ?
Imaginez. Vous ouvrez les yeux, et
vous découvrez le monde. Mais ce monde, pourquoi existe-t-il ? A l’évidence, il
nous précède, il nous préexiste, il était là avant nous. Nous arrivons après. C’est donc que nous ne l’avons pas fait, que
le monde n’est pas créé par l’homme. Il y a donc quelque chose, autour de nous,
qui nous dépasse, qui nous excède : quelque chose d’autre.
Redisons-le dans les termes de tout à l’heure : pour les
premiers hommes, l’humanité ne suffisait pas. Ils étaient immédiatement portés
à supposer un troisième terme, un terme extérieur, un terme étranger : quelque
chose de divin, un Dieu, des dieux, des âmes, des esprits, des divinités, etc. L’homme naît religieux. Il y est porté
spontanément. La religion est une donnée anthropologique absolument
universelle.
Bref, l’horizontal seul ne suffit pas ; les individus seuls ne suffisent
pas. Il faut ajouter du vertical :
il faut ajouter quelque chose de non-humain qui explique l’humain.
Au fond, l’homme est d’abord un être
sans notice. L’humanité naît sans notice, pas de mode d’emploi, pas de
règlement intérieur, l’homme est jeté dans le monde, sans qu’il sache
exactement quoi y faire, ni pourquoi, ni comment. C’est pourquoi, encore une fois, pour les premiers hommes, les hommes
ne suffisent pas. Ce n’est pas quelqu’un comme moi qui peut me dire quoi
faire. Ce n’est pas quelqu’un comme moi qui peut savoir pourquoi le monde
existe. Il faut quelqu’un qui me soit supérieur, quelqu’un qui – d’une manière
ou d’une autre – tient son savoir ou son pouvoir d’autre chose que les hommes.
Toute notre histoire tient en ce seul petit
mot : « auto »
Est-ce que vous comprenez mieux,
maintenant, pourquoi la démocratie moderne (la nôtre), les sociétés modernes
comme les nôtres ont quelque chose d’absolument extraordinaire au regard de
l’histoire humaine ?
Vous pourriez faire une histoire de
l’époque moderne – c’est-à-dire des quatre ou cinq dernières siècles –
simplement à partir de ce seul mot, plutôt de ce seul préfixe : « auto » (d’auto-nomie). Pourquoi ? Parce
que l’époque moderne invente ou découvre deux choses, qui sont capitales, mais qui sont aussi extrêmement problématiques
:
1) La démocratie, c’est-à-dire l’auto-fondement
de la société. Une société qui s’engendre d’elle-même, toute seule, sans
élément extérieur. Mais une telle société ne risque-t-elle pas de mettre à mal
tout élément de verticalité ? Une société peut-elle être uniquement horizontale
? On se le demandera bientôt.
2) L’athéisme, c’est-à-dire tout simplement
l’auto-fondement du sens de la vie. Ce sont les hommes qui, seuls, peuvent
donner un sens à leur vie. Ce sens ne vient pas hors d’eux, loin d’eux, il
n’est pas donné par un dieu ou des dieux. Mais les hommes peuvent-ils se donner
à eux-mêmes le sens de l’existence – existence dont ils ne savent ni l’origine,
ni si elle débouche sur un au-delà ? Bref, peut-on vivre tout simplement
dans ce monde sans croyance en quelque chose d’autre que ce monde ?
Attention, je ne vous dis absolument
pas que l’époque moderne est athée, bien au contraire, ni que la démocratie
suppose l’athéisme : regardez les Etats-Unis. Simplement que l’époque moderne se caractérise d’abord et avant tout par la mise
au premier rang de l’homme, et de l’homme seul, que ce soit en politique ou
en religion.
Que la religion apparaît bien après la
religion, la politique bien après la politique
Alors, dernier point pour
aujourd’hui : ce que nous apprend également ce retour en préhistoire, cette
plongée dans le début de l’humanité, c’est que
la religion et la politique ne sont pas, d’abord, deux choses distinctes ou
opposées. Elles sont d’abord la même chose. En un mot : c’est l’organisation de la vie humaine.
Certes, la religion a tendance à organiser la vie humaine à partir de ce qui
n’est pas la vie humaine, justement : Dieu, l’au-delà, etc. La religion
introduit l’éternel dans le
temporel. La politique, elle, est strictement temporelle. Mais au départ, il n’y avait pas de distinction très
nette. La politique s’appuyait sur la religion, ou plutôt – encore une fois -
c’était donc la même chose.
C’est ce qu’on appelle, vous l’avez
compris, un régime hétéronome : un régime où politique et religion sont mêlées,
indissociablement. Pour bien diriger les hommes, il faut que la loi ou la règle
vienne d’ailleurs, tombe d’en haut. Il faut un maximum de verticalité pour
obtenir un maximum d’horizontalité.
Mais cela a une conséquence très
simple, que je vous demande de retenir car elle est capitale : la religion, telle que nous la connaissons
aujourd’hui, apparaît très tardivement dans l’histoire de l’humanité. Et la
politique, telle que nous la connaissons aujourd’hui, apparaît elle-aussi très
tardivement. Pourquoi ?
La religion uniquement comme
expression spirituelle, la religion uniquement comme activité ou comme univers
séparé de la politique, comme affaire privée, comme confession privée, c’est
très récent : quelques siècles peut-être. De même que la politique comme
gestion des affaires humaines, comme activité ou comme univers séparé de la
religion, c’est là aussi très récent : quelques siècles.
La religion sans politique, c’est
peut-être à partir du christianisme, et encore. Le judaïsme, du moins dans sa
première phase historique, n’est pas que religion : il est aussi politique, il
est aussi juridique. Ou disons qu’il était religion au sens ancien du terme :
univers hétéronome où le spirituel et la politique étaient mêlés.
Et de même – et vous allez voir,
c’est là aussi très intéressant – la politique aussi est une chose très
récente. La politique comme domaine de la vie séparée de la religion, comme
administration de la vie terrestre, comme gestion des affaires humaines,
seulement humaines, apparaît peut-être à l'antiquité, et encore mêlée de
religion. La politique romaine est encore dépendante de la religion. Il faut
attendre la Renaissance en Europe pour que s’invente cette chose étonnante et
inédite : une politique complètement indépendante de la religion. C’est-à-dire
: un monde humain uniquement géré, administré, par des êtres humains, sans
élément extérieur.
La démocratie moderne.
Commentaires
Enregistrer un commentaire